Une phase III aux résultats sucrés/salés ?
Genfit a publié vendredi matin des données partielles des résultats de son étude de phase III évaluant elafibranor dans la PBC. Nous revenons ce matin sur ces données et la réaction très contrastée du titre en séance.
Une compréhension correcte de la news
En tout premier lieu et sans ambiguïté, notre appréciation était bonne car cette phase III est positive. Le critère principal est atteint (51% de répondeur contre 4% pour les patients sous placebo), avec une significativité statistique rarement atteinte dans des essais cliniques (p<0,0001). Il s’agissait donc d’une très bonne nouvelle. Nous avions anticipé un impact très positif sur le titre qui a gagné jusqu’à + 28,3% en milieu de matinée.
Cela dit, nous avions été étonné des propos modérés du directeur R&D d’Ipsen qui parlait de « résultats encourageants » et attendions des éléments plus factuels lors de la conférence téléphonique.
Une conférence téléphonique logiquement insipide
L’embargo imposé par les revues ou les congrès scientifiques (qui veulent avoir la primeur d’un « scoop » scientifique ou clinique) a bridé la communication sur les résultats de cette phase III. Aucune donnée n’a été divulguée, ce qui a limité la capacité d’analyse de ces données. Ce silence a logiquement déçu mais n’expliquait pas la baisse violente du titre en début d’après-midi. L’un des points intéressants de la présentation était l’information des données d’efficacité à 3 mois (slide 12) qui montrait, pour la phase II, une supériorité à Ocaliva (données à 12 mois), le produit d’Intercept approuvé dans cette indication (Lien vers la présentation des données de phase III PBC Elafibranor).
Une nette inversion de tendance en milieu de séance. Cymabay explose (+39,7%)
A la lecture des données de cette phase III, les investisseurs US ont probablement été acteurs de la chute du titre Genfit (jusqu’à -13,2%). La raison principale est l’infériorité de ces données par rapports aux données intermédiaires à 3 mois de la phase III du Seladelpar (candidat de Cymabay), données publiées en avril dernier (cf lien). En effet, à 3 mois, Seladelpar 10 mg montrait 78,2% d’efficacité (contre 12,5% pour le placebo) alors qu’Elafibranor montre un bénéfice chez 51% des patients à 12 mois (contre 4% pour le bras placebo). En facial, la différence d’efficacité semble donc très favorable au Seladelpar, expliquant probablement l’arbitrage des investisseurs en faveur du concurrent américain.
La partie est-elle perdue pour Genfit ? Il faut attendre les données à 12 mois de Cymabay.
En première lecture, la différence semble importante entre les 2 produits. Genfit a publié des données positives, probablement satisfaisantes et suffisantes pour permettre le dépôt du dossier d’enregistrement par Ipsen (prévu fin 2023) et un lancement en 2024. Ipsen pourrait donc attaquer le marché détenu par Intercept avec un produit à l’efficacité « moyenne » et surtout connu pour ses effets secondaires. Si Cymabay devait publier des données à 12 mois de qualité équivalente aux données à 3 mois, la bataille commerciale sera compliquée pour Elafibranor face à une société américaine qui pourrait bénéficier par ailleurs d’une forme de protectionnisme sur le sol US qu’Ipsen ambitionne de conquérir.
Nous avons noté un point questionnant dans les données de Genfit. Dans la phase II, Elafibranor montrait à 3 mois une efficacité de 67% contre 6,7% pour le placebo (slide 12). A 12 mois, l’efficacité publiée dans cette phase III tombe à 51%. Cette baisse est-elle explicable ? Est-elle durable ? Seladelpar connaîtra-t-il une telle érosion du bénéfice thérapeutique avec le temps et si oui, de quelle amplitude ? Il faut cependant rester très prudent car les chiffres comparés sont tirés de 3 études distinctes avec des tailles de cohortes de patients également différentes.
Il faut dont attendre la publication des données de Cymabay pour trancher. D’ici là, Ipsen devrait dérouler le plan d’enregistrement et probablement obtenir une AMM, ce qui pourra soutenir le titre. Le potentiel commercial restera néanmoins un réel sujet dans la valorisation du projet.
Il est important de noter que les 2 études de phase III de Genfit et Cymabay évaluent les mêmes critères d'efficacité comme précisé dans les protocoles consultables en ligne.
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